
Avocat(e)s sous pression : entre détresse psychologique et adaptation de la formation à l’heure de l’IA
Entre tensions internes et révolutions technologiques, la profession d’avocat(e) se trouve à la croisée des chemins. Fragilisée par une détérioration du bien-être au travail et confrontée à l’essor de l’IA, elle doit repenser ses pratiques, sa formation et son rapport à l’humain. À l’occasion des États généraux de la prospective et de l’innovation, le 26 mai 2025 à Clermont-Ferrand, retour sur les défis majeurs et les pistes concrètes pour accompagner ce tournant.
Épuisement professionnel, surcharge mentale, stress vicariant : les avocats(e)s font face à une crise de bien-être préoccupante. 44 % des salarié(e)s montrent des signes de détresse psychologique, et 69 % des collaborateur(rice)s jugent que leur cabinet n’en fait pas assez. L’intensification des rythmes, la pression de l’instantanéité, l’isolement des jeunes et la complexité organisationnelle aggravent ce malaise. Certain(e)s évoquent un épuisement permanent, comme « monter une pente qui s’écroule ». À cette souffrance s’ajoute le stress vicariant, lié à l’exposition répétée aux récits traumatiques des client(e)s, souvent sans soutien. Face à cette réalité, des réponses émergent. Cabinets et professionnel(le)s innovent : séances de sophrologie, groupes de parole, espaces de discussion entre pairs. Ces dispositifs renforcent cohésion, autonomie et résilience, à condition d’être soutenus par une politique globale de qualité de vie au travail. La sophrologie aide à développer gestion du stress, intelligence émotionnelle et confiance en soi. Mais un changement culturel profond est indispensable pour pérenniser ces pratiques. Des outils comme le Compte personnel de santé facilitent le financement d’actions de prévention.
Parallèlement, la révolution de l’IA impose de revoir la formation. Il ne s’agit plus seulement de la manier, mais d’en interroger les réponses, de développer son esprit critique. À l’Edacs, des ateliers où les élèves analysent des cas assistés par IA sont mis en place. L’objectif : former des juristes capables d’utiliser l’IA comme outil complémentaire, et non comme un substitut. L’interdisciplinarité devient clé : compétences en gestion de projet, informatique ou communication s’ajoutent aux savoirs juridiques. Les technologies immersives comme la réalité virtuelle ou le métavers sont explorées pour mieux préparer les futur(e)s avocat(e)s à des situations complexes, favorisant un apprentissage actif et adapté.
Mais cette transformation soulève des enjeux éthiques majeurs. La protection des données, le secret professionnel ou la responsabilité civile ne doivent pas être compromis. Une vigilance s’impose pour éviter un appauvrissement juridique lié à une confiance aveugle dans l’IA. Les barreaux pourraient jouer un rôle clé en garantissant un accès équitable aux outils numériques, limitant la fracture entre cabinets aux moyens inégaux. Maintenir une exigence déontologique forte et cultiver la culture du doute restent essentiels pour un avenir responsable et humain à la profession.