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L’ inexécution des contrats

Par DROIT&PATRIMOINE

La section V du chapitre IV du sous-titre Ier consacré au « contrat » dans le nouveau Code civil traite dans vingt-deux articles de l’inexécution du contrat. Cette section comporte elle-même cinq sous-sections déclinant les sanctions susceptibles d’être mises en œuvre en cas d’inexécution du contrat. On en dénombre désormais cinq, alors que le Code civil initial en avait envisagé trois : l’exécution en nature, la résolution et l’allocation de dommages-intérêts. À ces trois sanctions, le nouveau Code civil en a ajouté deux : l’exception d’inexécution, qui n’était pas jusqu’à présent organisée par une disposition de portée générale, et la réduction du prix qui, sous l’expression de « réfaction », n’était admise en matière civile que par le droit de la vente (C. civ., art. 1644) et en matière commerciale uniquement par la jurisprudence, de surcroît dans des cas particuliers.

Tout ceci n’a sans doute pas beaucoup d’importance, car ce qui compte, avant tout, n’est pas la présentation des textes, mais leur contenu et les idées qu’ils portent. On retiendra donc la volonté du législateur de valoriser l’« exécution forcée en nature » et d’en faire une sanction parfaitement autonome, alors qu’elle était jusqu’à présent, il faut bien le dire, un peu noyée dans la théorie de la résolution (C. civ., art. 1184, al. 2). Le nouvel article 1341 s’en fait l’écho en disposant, au chapitre des actions ouvertes au créancier, que « le créancier a droit à l’exécution de l’obligation » et qu’« il peut y contraindre le débiteur dans les conditions prévues par la loi ». Une autre idée centrale est celle de l’unilatéralisme qui traverse tout le droit de la résolution. La rupture unilatérale du contrat en cas d’inexécution grave est très clairement consacrée, ce qui répond certainement aux attentes de la pratique ; de même en est-il du droit pour le créancier de réduire le prix de la prestation ou même de la chose en cas de défaillance du débiteur (art. 1223). C’est, au demeurant, la seule disposition totalement nouvelle sur la question des sanctions de l’inexécution, si l’on met de côté l’article 1644 et l’action estimatoire qu’il accorde à l’acquéreur déçu. Elle mettra, on peut aisément l’imaginer, un peu de temps avant de trouver toute sa place dans le droit positif. L’unilatéralisme marque aussi la théorie de l’exception d’inexécution non seulement dans l’article 1219 qui consacre le principe même de l’exception d’inexécution, mais encore et surtout dans l’article 1220 qui, vraisemblablement inspiré par les théories allemande et anglaise de l’« anticipatory breach », admet, très intelligemment, qu’une partie puisse suspendre l’exécution de ses obligations lorsqu’il est manifeste que l’autre n’exécutera pas les siennes.

Pour le reste, on ne peut pas dire qu’il y ait de grands changements. Sans doute la force majeure est-elle quelque peu redéfinie (art. 1218) par rapport à ce qu’avait pu nous enseigner la jurisprudence. Il restera cependant à mesurer son incidence, car si le nouveau texte en envisage les effets immédiats, en synthétisant le droit positif sur la suspension ou sur la résiliation du contrat devant une impossibilité, temporaire ou définitive, d’exécuter, il restera à se demander si la force majeure n’affecte pas l’ensemble des sanctions de l’inexécution des contrats et pas seulement la responsabilité contractuelle. Précisément, si l’on évite de parler de responsabilité contractuelle, on aura bien compris que la théorie en est maintenue à travers les dispositions sur « la réparation du préjudice résultant de l’inexécution du contrat » (art. 1231 et s.), dispositions qui, au demeurant, sont restées très proches des solutions que l’on connaissait. À ceci près, cependant, que l’on aurait aimé en savoir un peu plus sur le jeu des clauses de responsabilité, déterminant dans la pratique, et dans le prolongement sur la possibilité laissée aux parties d’aménager les différentes sanctions présentées par les nouveaux textes.

Ce qu’il importe de vérifier a trait avant tout aux objectifs de la réforme qui sont, comme cela a été maintes fois souligné, de renforcer l’attractivité du droit français et de contribuer à l’efficacité économique du droit. Seul le recul du temps permettra de répondre avec objectivité à ces grandes questions. On se demandera pour le moment si les sanctions qui ont été prévues et organisées sont suffisamment rigoureuses pour préserver la force obligatoire du contrat. Fallait-il laisser autant de pouvoir aux parties et réduire la part du juge ? Fallait-il valoriser l’exception d’inexécution, en en permettant l’exercice par anticipation ? Fallait-il généraliser la réduction du prix en la subordonnant à une simple mise en demeure ? Ces options peuvent être considérées comme audacieuses. Elles sont désormais entre les mains de tous ceux qui croient aux vertus du contrat en tant que mode de régulation des rapports sociaux. Si cette philosophie est respectée, le succès est presque assuré.

Philippe Delebecque,

Professeur à l’École de droit de la Sorbonne (Université Paris I)

 

Sommaire
La force majeure

Par Sarah Bros

 

Les nouveaux rôles du juge dans l’inexécution du contrat

Par Matthieu Brochier

 

Accroissement du pouvoir de la volonté individuelle

Par Augustin Aynès

 

Quelques incidences de la réforme du droit des obligations en matière de responsabilité civile

Par Antoine Hontebeyrie

 

L’articulation et l’aménagement des sanctions de l’inexécution du contrat

Par Philippe Delebecque

Paru in Dr. & Patr. 2016, n° 259, p. 38 (juin 2016), Dossier L'inexécution des contrats


 
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