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Le nouveau droit des obligations

Par DROIT&PATRIMOINE

La réforme a bel et bien eu lieu. On n’ose pas dire « enfin ! ». On restera prudent. À lire sa genèse dans le rapport remis au Président de la République au nom du garde des Sceaux, il s’agit pourtant de consolider le droit positif et de le rendre plus accessible. Les « objectifs de la réforme » que le rapport souligne sont tout aussi rassurants. Ainsi, « la sécurité juridique est le premier objectif de la réforme », le deuxième étant de « renforcer l’attractivité du droit », ce qui « n’implique pas pour autant de renoncer à des solutions équilibrées ». Voilà qui est bien conservateur : il ne s’agirait pas de protéger davantage le « faible » mais simplement de « ne pas renoncer ». Ah bon ? Et le rapport en rajoute sur la sécurité juridique ; celle-ci est « à la fois l’un des objectifs de l’ordonnance et le moyen d’atteindre les autres buts, dont celui de la justice contractuelle ». L’élément de langage tourne au leitmotiv : le rapport vise 22 fois la « sécurité juridique », et 5 fois seulement la « justice contractuelle ».

On ne parle jamais autant que de ce dont on craint de manquer, comme si les mots pouvaient conjurer la réalité. Or, si la réforme est dans l’ensemble une œuvre de consolidation, ses quelques innovations tendent pour la plupart à accroître le pouvoir du juge sur la base de critères difficiles à anticiper lors de la conclusion du contrat : nullité pour violence économique (art. 1143), révision judiciaire pour imprévision (art. 1195), suppression des clauses dites abusives dans les contrats d’adhésion (art. 1171), mise à l’écart de l’exécution forcée en cas de « disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier » (art. 1221). Pour qui estime qu’un contrat est avant tout un acte de prévision, voilà qui inquiète. C’est tout spécialement vrai pour le monde des affaires alors que, d’après le rapport, la réforme vise notamment à renverser « l’image d’un droit français complexe, imprévisible et peu attractif » que véhiculent impitoyablement « les rapports Doing Business publiés par la Banque mondiale ». Est-ce, en outre, le bon moment pour accroître les pouvoirs du juge et exciter le contentieux alors que, de l’aveu même du garde des Sceaux, « la justice est à bout de souffle » (JDD, 3 avr. 2016) ?

Comme s’il n’était que trop conscient de ces griefs, l’auteur du Rapport au Président nous indique l’antidote contre l’interventionnisme du juge : « la présente ordonnance étant supplétive de volonté sauf disposition contraire », la plupart des dispositifs mettant le contrat à la merci d’une appréciation peu prévisible du magistrat pourraient être écartés par une clause ad hoc. Cela pourra valoir pour l’imprévision ou pour l’exécution forcée. Certainement pas pour les clauses abusives ou la violence économique. Mais ces derniers textes sont cantonnés aux contrats ou aux clauses qui sont pauvres en volonté réellement commune. De là, le sentiment que, si la jurisprudence suit le rapporteur et joue le jeu de la liberté contractuelle, solennellement consacrée par le nouvel article 1102 du Code civil, cette évolution du droit des contrats ne sera pas une révolution, du moins pour les contractants suffisamment sophistiqués. En outre, il est probable que la jurisprudence tendra vers une interprétation autant que possible à droit constant. Pourquoi, en effet, abandonnerait-elle une solution longuement élaborée quand un texte lui permet de la conserver ?

Pour autant, les modifications du droit positif qui s’imposeront au juge sont importantes. Un esprit de faveur pour la validité du contrat a engendré les actions interrogatoires visant à purger unilatéralement l’acte de ses vices (art. 1123, 1158, 1183). Toutefois, la modification du critère de répartition des nullités pourrait conduire à vider la catégorie des relatives au profit des absolues, car peu nombreuses sont les règles qui ne défendent pas l’intérêt général en même temps qu’elles protègent un intérêt particulier. Plus généralement, l’unilatéralisme se développe, permettant de limiter l’intervention du juge dans un esprit d’économie procédurale de moyens. L’exception d’inexécution peut être anticipée, la réfaction se généralise, le prix d’une prestation de services peut désormais être fixé par le prestataire seul s’il n’y a convention contraire (art. 1165). Dans une même intention d’optimisation économique, la cession de contrat trouve un régime général, la cession de créances se simplifie, la subrogation légale s’élargit.

Dans ce travail immense, les scories sont inévitables. Les pages qui suivent en découvrent de nombreuses. Souvent cachées, comme le diable, dans les détails, elles sont parfois colossales comme, par exemple, l’indécision quant au champ ouvert au pouvoir de suppression du juge : toute clause d’un contrat d’adhésion ou seules les conditions générales ? Il faudrait en tenir compte. La réforme est là ; vive la loi de transposition !

Philippe Stoffel-Munck,

Professeur à l’École de droit de la Sorbonne (Université Paris I)

Sommaire
Les classifications des contrats

Par François Chénedé

La phase précontractuelle

Par Pascal Puig

La réforme des vices du consentement

Par Frédéric Dournaux

Le « contenu licite et certain du contrat »

Par Sophie Pellet

Les nullités

Par Anne Etienney-de Sainte Marie

La force obligatoire des contrats

Par Jean-Sébastien Borghetti

Les sanctions de l’inexécution

Par Paul Grosser

Le malheur des quasi-contrats

Par Rémy Libchaber

Les opérations translatives

Par Charles Gijsbers

La cotitularité des obligations

Par Philippe Briand

L’extinction de l’obligation

Par Lionel Andreu

Les restitutions

Par Julie Klein

Paru in Dr. & Patr. 2016, n° 258, p. 46 (mai 2016), Dossier Le nouveau droit des obligations 

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