Le garde des Sceaux au Congrès des notaires de France
Lors de la séance d’ouverture du 116e Congrès des notaires de France, qui s’est tenu au Palais des Congrès à Paris, le 8 octobre 2020, Éric Dupond-Moretti a répondu aux interrogations du président du Conseil supérieur du notariat.
Quelques minutes ont suffi au garde des Sceaux pour conquérir l’auditoire des notaires présents dans la salle du Palais des Congrès. L’ancien avocat leur a dit son émotion d’être présent devant eux et leur a avoué qu’il y a 50 ans, c’est grâce à un notaire qu’il a eu son premier contact avec le droit, dans une petite commune rurale du Nord de la France. « Je me souviens de sa moustache, de son regard bienveillant. Il venait tous les mercredis », raconte-t-il. Le garde des Sceaux, qui décidément sait y faire, a ensuite remercié la profession pour sa forte mobilisation pendant le confinement. « C’est grâce à vous que le service public du notariat a pu continuer » a-t-il lancé, assurant que le projet de décret sur la procuration notariée à distance, transmis au Conseil d’État, serait publié au courant du mois de novembre. Il a évoqué la récente réforme de la représentativité au sein des instances notariales et parlé de l’implication des notaires des départements et collectivités d’outre-mer, concernés par l’application d’un dispositif spécial, visant au partage d’indivisions anciennes qui y provoquent des désordres fonciers.
Réformer l’ordonnance du 28 juin 1845
Le garde des Sceaux a ensuite abordé le principal sujet d’inquiétude de la profession : celui de la création de nouveaux offices par la loi croissance. Se félicitant de la nouvelle image de la profession, rajeunie, féminisée et plus ouverte, il a remercié les notaires pour leur implication et la solidarité dont ils ont fait preuve à l’égard des nouveaux entrants. Répondant aux demandes formulées par Jean-François Humbert un peu plus tôt sur les améliorations à apporter à la réforme, le garde des Sceaux a indiqué qu’il n’était « pas question » de revenir sur l’attribution des offices créés par tirage au sort. Tout au plus a-t-il concédé l’amélioration du processus, grâce à l’introduction du tirage au sort électronique. Il a également écarté l’introduction du contradictoire dans le processus préalable devant l’Autorité de la concurrence et indiqué qu’il serait tenu compte de la situation de pandémie dans la création de la 3e vague d’offices.
Le garde des Sceaux est en revanche convaincu, comme les notaires, de la nécessité de réformer l’ordonnance du 28 juin 1845 relative à la discipline, comme le préconise un rapport de l’Inspection générale de la justice en cours de finalisation. La Chancellerie est également ouverte à une réforme de la formation. « La profession sera associée à ces chantiers », a assuré le garde des Sceaux, qui a terminé son discours en se félicitant de la signature prochaine d’une « convention d’objectifs », première du genre, signée entre l’État et une profession réglementée du droit et témoin de l’intensité du lien avec les notaires. « Cela aura un impact très fort auprès des français », a auguré Éric Dupond-Moretti.
Il est cependant resté muet sur la question centrale qui préoccupe la profession, que Jean-François Humbert avait soulignée dans son discours : l’extension aux actes d’avocats de la force exécutoire. « L’octroi de la force exécutoire aux avocats serait un affront, une entorse à l’État de droit, un défi à la logique ! », avait tempêté le président du CSN un peu plus tôt. Mais le garde des Sceaux n’y a pas fait allusion. Ce qui n’a pas empêché les notaires présents dans la salle de saluer son discours par une standing ovation.