
Exonération de droits de succession entre frère et sœur : Marie Choplin-Texier, Notaire associée, Cheuvreux
La Cour de cassation a rendu une décision le 28 mai 2025 qui précise les conditions pour bénéficier de l’exonération de droits de succession entre frères et sœurs. Selon l’article 515-4 du Code civil, cette exonération est impossible si l’un des bénéficiaires est pacsé. Retour sur cette décision avec Marie Choplin-Texier, notaire associée, Cheuvreux.
Quelles précautions conseilleriez-vous à des frères et sœurs vivant ensemble mais dont l’un est lié par un Pacs ?
L’exonération de droits de succession entre frère et sœur domiciliés ensemble prévue par l’article 796-0 ter du CGI ne peut en effet pas bénéficier à une personne qui, au jour de l’ouverture de la succession, était liée par un pacte civil de solidarité (Pacs). Si un doute pouvait subsister, le Pacs n’étant pas expressément visé par le texte, la Cour de cassation vient y mettre fin. Pour bénéficier de l’exonération, il ne faut donc pas être pacsé, le frère ou la sœur doit être célibataire ou séparé de corps.
L’arrêt est rendu au visa de l’article 515-4 du Code civil qui dispose que les partenaires s’engagent à une vie commune. Le partenaire pacsé ne peut dès lors pas prétendre habiter à une adresse différente de celle du tiers avec qui il est lié par ledit pacte.
Si Pacs il y a, il convient de s’interroger sur une possible rupture de celui-ci s’il n’a plus de raison de perdurer. Il se peut que le frère ou la sœur soit resté pacsé alors que le lien était rompu avec le ou la partenaire, sans prendre conscience des incidences du maintien d’un tel contrat. Il est important de mettre en cohérence statut juridique et situation de fait.
Cet arrêt change-t-il concrètement la manière d’accompagner les familles dans l’organisation de leur héritage ?
Ni la loi ni la doctrine n’avait prévu cette situation du frère ou de la sœur lié par un Pacs, mais la prudence nous invitait déjà à considérer que l’utilisation de cet abattement était fragile si le frère ou la sœur avait conclu un Pacs. L’arrêt rendu le 28 mai 2025 nous semble conforme à l’esprit de l’article 796-0 ter du CGI.
Cet arrêt ne va pas véritablement modifier notre accompagnement pour ces familles mais nous rappelle qu’il convient d’être vigilant, particulièrement quand il s’agit de prétendre à une exonération.
Il conviendra notamment de raisonner par analogie pour un frère ou une sœur vivant en concubinage au moment de l’ouverture de la succession. En effet, si le concubinage n’est pas lui non plus expressément visé par l’article du CGI, il est en tout point assimilable au Pacs pour l’application de l’exonération.
De façon plus générale, il faudra indiquer aux frère et sœur qui cohabitent que cette cohabitation doit être exclusive de toute autre communauté de vie avec un tiers.
Quelles alternatives ou montages recommanderiez-vous aux personnes concernées ?
Avec des taux de 35 et 45 % et un abattement de 15 932 €, la transmission entre frère et sœur est onéreuse. Quelques outils existent néanmoins pour amoindrir la fiscalité quand l’exonération totale s’avère impossible.
D’abord, on pense à la donation en démembrement de propriété. D’un point de vue civil, le donateur qui conserve l’usufruit est notamment assuré du maintien de son cadre de vie. Fiscalement, seule la nue-propriété donnée étant taxée, la transmission se trouve optimisée. Ensuite, à défaut de transmission anticipée, il peut être conseillé de recourir au testament. L’existence d’un legs (éventuellement stipulé net de frais et droits) au profit du frère ou de la sœur peut le mettre à l’abri pour le futur et permettre d’éviter toute situation d’indivision éventuelle au décès. Autre outil, l’assurance-vie qui, grâce à son régime particulier, peut permettre la transmission d’un capital en exonération de droits ou avec une fiscalité amoindrie à condition d’avoir veillé à bien rédiger la clause bénéficiaire. Enfin, toute libéralité résiduelle envisagée en amont par les parents présentera également un double intérêt : conservation du bien dans la famille et optimisation fiscale. Tout l’intérêt fiscal se révèlera au second décès (celui du premier gratifié), car l’actif alors transmis sera taxé d’après le degré de parenté existant entre le testateur ou donateur et le second gratifié.