
Trois questions à Anne Loiseau, directrice juridique de Lamy Liaisons
Mercredi 7 mai 2025, la Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt condamnant la société Forseti, qui exploite le site internet doctrine.fr, à réparer les actes de concurrence déloyale commis à l’encontre des sociétés Éditions Dalloz, Lexbase, LexisNexis, Lextenso et Lamy Liaisons, reformant la décision du tribunal de commerce qui les avait déboutés. Les explications d’Anne Loiseau, directrice juridique de Lamy Liaisons
Quelle a été la stratégie en cause d’appel ?
Nous avons insisté sur le fait que les décisions de justice ne sont pas des données comme les autres, car elles contiennent des données sensibles. Un tel traitement de données à caractère personnel ne peut donc s’effectuer que si ces données sont collectées et traitées de manière loyale et licite, notamment au regard de la loi informatique et libertés de 1978 et du Règlement général de protection des données (RGPD). L’arrêt constate que les allégations de Doctrine sur la remise spontanée par les greffes de dizaines, voire de centaines de milliers de décisions n’étaient pas vraisemblables, alors que les directeurs de greffe ou les présidents des TGI affirmaient n’avoir jamais été en contact avec cette société et qu’en tout état de cause, la délivrance d’une copie aurait dû donner lieu à une mention sur la minute de la décision concernée, ce qui n’était pas le cas. La cour relève des présomptions graves, précises et concordantes, au sens de l’article 1382 du Code civil, que la société Forseti s’est procurée des centaines de milliers de décisions de justice des tribunaux judiciaires et administratifs de manière illicite, sans autorisation des directeurs de greffe et, pour les décisions administratives, en violation des dispositions de la convention de recherche conclue avec le Conseil d’État.
Cette décision est-elle satisfaisante ?
Au delà des condamnations pécuniaires prononcées par la cour, cette décision est une victoire, parce que le principe d’une collecte licite des décisions de justice est affirmé, garantissant une concurrence saine et loyale entre les diffuseurs des décisions de justice. La cour a ainsi rappelé que l’on ne peut pas s’affranchir de principes qui ont d’ailleurs été posés, par la suite, dans le cadre de l’open data des décisions de justice. Les éditeurs ne devraient pas former de pourvoi en cassation et le dirigeant de Doctrine a également annoncé qu’il en resterait là.
Est-ce que le fait que Doctrine ait été condamnée à publier, sous astreinte, un extrait de la décision sur son site internet est une bonne chose ?
C’est important, car cette publicité permet d’informer les professionnels du droit que le comportement déloyal de la plateforme a été sanctionné. Les éditeurs avaient fait valoir en appel que ces agissements avaient terni leur image vis à vis des autres acteurs de la justice et du public en général.
Réf : CA Paris, 7 mai 2025, n° 23 /06063
Anne Portman