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Entretien croisé entre Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, et Sophie Sabot-Barcet, présidente du CSN

Par Ondine Delaunay

À l’invitation de Sophie Sabot-Barcet, présidente du CSN, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, s’était déplacé au Congrès des notaires des France, à Deauville, le 28 septembre dernier. Ils avaient alors rappelé le rôle que peut jouer le notaire dans le paysage de la médiation. Ils ont choisi de détailler leurs propos à la rédaction de Droit & Patrimoine.

Vous avez annoncé vouloir mettre en œuvre une véritable politique de l’amiable. C’est un changement de paradigme important par rapport aux politiques menées jusqu’alors. Pourquoi ?

Éric Dupond-Moretti : Le 13 janvier 2023, j’ai effectivement lancé la politique de l’amiable en présence de tous les professionnels acteurs de ce changement de culture. Vous avez raison de dire qu’il s’agit d’un changement de paradigme important par rapport aux politiques antérieures.

D’abord, parce que cette démarche est la réponse à une large concertation menée dans le cadre des États généraux de la justice. À cette occasion, nos concitoyens nous ont formulé une injonction paradoxale : mettre fin à la lenteur de la justice, tout en consacrant plus de temps à les écouter. Le développement de l’amiable est une réponse à cette attente des Français. Nous leur devons une justice plus accessible, plus proche et plus rapide.

Ensuite, parce que pour la première fois, nous mettons en place une politique volontariste et cohérente, afin que la culture de l’amiable se diffuse à tous les niveaux : des universités aux écoles professionnelles, des offices aux juridictions, en passant par les cabinets d’avocats, du droit de la famille au droit des contrats… Que l’on soit en amont ou en aval de la saisine du juge, le justiciable doit pouvoir choisir de résoudre son conflit par un outil de l’amiable.

Pourquoi les notaires sont-ils bien placés pour être médiateurs ?

Éric Dupond-Moretti : Bénéficiant d’une formation de qualité, les notaires sont d’ores et déjà d’excellents médiateurs au quotidien, dans leur office. Tout en contribuant à la lisibilité et l’accessibilité de la loi, ils œuvrent à la prévention des conflits et à la paix sociale. Ils disposent ainsi de toutes les qualités requises pour l’accomplissement de cette mission : neutralité, impartialité, confidentialité, respect des règles déontologiques…

Surtout, le notaire est au contact direct de nos concitoyens. Il intervient à des moments charnières de leur vie, par exemple à l’occasion d’un décès ou d’une séparation. Dans ces circonstances, se nouent des conflits particulièrement complexes, qui dépassent très largement la sphère juridique et nécessitent des qualités d’écoute et de médiation. C’est toute l’expertise du notaire, fin connaisseur du droit et de l’humain, qui est alors mobilisée.

Au-delà de l’activité interne aux offices, je tiens à souligner la création de centres de médiation du notariat, qui permettent de confier à un notaire médiateur, un accord de nature à mettre fin au conflit. Ces centres interviennent à la demande d’un particulier, d’une entreprise, d’une association ou du magistrat.

C’est aujourd’hui tout le notariat qui est mobilisé sur la politique de l’amiable et en particulier le Conseil supérieur du notariat, dont la Présidente est une interlocutrice très appréciée.

 

 

 

Les avocats ainsi que d’autres professions juridiques revendiquent aussi ce rôle de médiateur. En quoi
les notaires se distinguent-ils ?

Sophie Sabot-Barcet : Tous les jours par ses conseils, par ses actes de rédaction et les échanges qu’il entretient avec ses clients sur les dossiers qui sont discutés, puis donnent lieu à un acte notarié, le notaire œuvre pour le dialogue et cultive la conciliation, la négociation et la transaction. Le notaire a, dans sa raison d’être, les fondements de la médiation. Et, dans sa déontologie, on trouve également, comme pour le médiateur, la confidentialité, la neutralité, l’indépendance et l’impartialité. C’est peut-être une forme de culture « native » de la médiation qui peut rendre le notaire aussi singulier.

Et l’on ne peut que se réjouir de voir l’ensemble des professions du droit s’investir dans la culture de l’amiable. Nos offices, nos bureaux, nos cabinets ou nos cours sont autant de lieux d’expression des désaccords, que des lieux de rencontre, de rapprochement des personnes et des points de vue, de réconciliation, de concorde retrouvée.

Est-ce un nouveau rôle pour eux ?

Sophie Sabot-Barcet : Déjà sous l’Ancien Régime, nombre de litiges démarrés devant un tribunal étaient réglés à l’amiable par une transaction chez le notaire ! Le rôle n’est donc pas totalement nouveau, mais la démarche, elle, a largement gagné en maturité et en technicité. Sous l’égide du Conseil supérieur du notariat, nous nous sommes structurés, notamment autour de centres de médiation du notariat. Nous avons adopté une Charte nationale des médiateurs notaires, qui nous dote d’un socle de référentiels communs pour les formations, internes à la profession, en résonance avec l’évolution des textes régissant l’activité de médiation. Nous développons des formations initiales à la médiation, ainsi que des formations continues de perfectionnement. Car si les notaires ont assurément des prédispositions favorables à l’utilisation des modes amiables au sein de leur office, le suivi de plus de 100 heures de formation est nécessaire pour prétendre être médiateur notaire et maîtriser les outils théoriques et pratiques pour accompagner la sortie du différend, voire du conflit. Près de 70 % des médiations aboutissent à un accord.

Les notaires sont également représentés au sein du Conseil national de la médiation. Qu’attendez-vous d’eux dans ce cadre ?

Éric Dupond-Moretti : Le décret du 25 octobre 2022 prévoit en effet qu’un représentant du Conseil supérieur du notariat figure parmi les membres du nouveau Conseil national de la médiation (CNM). Depuis la publication de l’arrêté du 25 mai 2023, c’est Me Fabrice François qui assure cette représentation. Sa présence constitue un double atout pour le développement de la politique de l’amiable.

D’abord, l’expertise des notaires en matière de médiation sera précieuse pour les travaux des groupes de travail mis en place par le CNM. Il s’agit notamment de réfléchir à une harmonisation des textes, de proposer un référentiel de formation et une déontologie commune. Les notaires, en leur qualité d’officiers ministériels, ont déjà une grande expérience en la matière, qui pourra profiter au monde de la médiation en cours de structuration.

La présence du notariat au sein du Conseil sera également, à n’en point douter, une source d’enrichissement pour la profession, qui pourra s’inspirer d’autres pratiques et le cas échéant développer de nouveaux outils au service de nos concitoyens.

L’objectif de ce Conseil est de rendre la médiation plus visible et lisible. Quelles solutions proposez-vous ? En quoi les notaires peuvent-ils y contribuer ?

Sophie Sabot-Barcet : Les notaires ont une place très naturelle dans le développement de la médiation, liée à une double proximité. D’une part, une proximité géographique, grâce à un fort maillage territorial sur l’ensemble du pays et, d’autre part, une proximité importante avec leurs clients. Nous sommes présents dans des moments de vie importants de nos concitoyens où nous pouvons parfois être les témoins de situations où les relations, les contacts, les échanges humains entre les parties sont totalement ou partiellement coupés. Dans une famille, entre associés, entre copropriétaires ou entre voisins, ce ne sont souvent pas tant des situations où se pose un problème de droit, un problème de fond, mais bien une absence d’échange entre les clients ne parvenant plus à s’écouter qui conduisent au conflit. Dans ces moments, les notaires jouent un rôle clé pour inviter leurs clients à avoir recours à la médiation.

Le notariat est attentif au respect du maillage territorial, afin de favoriser la couverture de l’ensemble du pays et l’accès au plus grand nombre de personnes au service public du droit auquel participe la médiation. C’est pourquoi les notaires ont organisé et déployé l’activité de médiation autour de centres de médiation des notaires, dont certains sont rattachés territorialement aux instances locales. La médiation notariale couvre donc la quasi-intégralité du territoire français.

La mission du Conseil national de la médiation est complémentaire de celle des neuf ambassadeurs de l’amiable chargés de promouvoir les anciens et futurs MARD. Mais les notaires n’y sont pas représentés. Pourquoi ?

Éric Dupond-Moretti : Trois avocats, trois magistrats, ainsi que trois universitaires ont été nommés ambassadeurs de l’amiable.

Ils ont pour mission diffuser la culture de l’amiable au sein des juridictions et en particulier auprès des avocats et des magistrats.

C’est pour répondre à ce besoin que les ambassadeurs ont vu le jour. Et c’est la raison pour laquelle les autres professions (notaires, commissaires de justice, conciliateur ou médiateurs) ne sont pour le moment pas représentées.

Pour autant, les professionnels de l’amiable sont tous associés aux rencontres organisées au sein des cours d’appel. Par leurs interventions, ils participent à ce mouvement collectif d’évolution des pratiques et je les en remercie chaleureusement.

Mais je veux ici être clair : nul besoin d’être ambassadeur de l’amiable pour promouvoir, à son niveau, le changement de culture que nous appelons tous de nos vœux.

C’est la raison pour laquelle nous travaillons avec le Conseil supérieur du notariat sur des projets spécifiques à la profession de notaire. Beaucoup a été fait, mais il reste encore tant à faire !

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