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Action de groupe « à la française », nouvelle gamme et fausses notes

Par DROIT&PATRIMOINE

Entre inadaptation des procédures préexistantes et limites de la nouvelle action de groupe issue de la loi « Hamon », l’UFC-Que Choisir revient sur l’historique, le contexte et les enjeux de cette nouvelle procédure, réservée aux associations de consommateurs.

 Par Hervé Le Borgne, Vice-président de l’UFC-Que Choisir

 

Une action de groupe, nouveauté dans l’ordre judiciaire français, n’est pas une panoplie de droits nouveaux : c’est un moyen nouveau pour faire appliquer la loi, avec des conséquences significatives (voire dissuasives) pour ceux qui avaient jusque-là intérêt à la méconnaître. Si le principe de l’opportunité d’une action de groupe était largement acquis depuis des années, la procédure restait à définir, car l’expression a été trop dévoyée, et les propositions ou projets de lois successifs trop hétérogènes, pour emporter enfin l’adhésion des principales associations de défense des consommateurs. Toutes, y compris l’UFC-Que Choisir, refusaient à la fois la class action américaine, symbole d’une judiciarisation excessive de la société, source de nombreuses dérives, et une pseudo-action collective, à la fois inopérante pour l’indemnisation des consommateurs et imprévisible pour les entreprises et les associations de consommateurs. Il fallait donc définir une procédure à la fois efficace et sécurisée. Pour concilier innovation et respect des principes fondamentaux de notre droit, cette voie médiane devait garantir l’effectivité de l’indemnisation de toutes les victimes de litiges de masse, et écarter tout risque de conflit d’intérêts, chantage ou procédure diffamatoire contre les entreprises (I). Mais si le dispositif retenu (enfin !) par la loi « Hamon » (L. n° 2014-344, 17 mars 2014, JO 18 mars), dite loi « consommation », peut prétendre au qualificatif d’« action de groupe », d’importantes réserves vont néanmoins altérer son efficacité (II).

 

I – Une action de groupe efficace et encadrée…

 

Réclamée depuis les années 1970, l’action de groupe s’est avérée chaque jour encore plus nécessaire, compte tenu de la massification de l’économie et de l’inadaptation des procédures à la disposition des consommateurs (A). Une fois le chiffon rouge de la class action américaine écarté (B), restait à trouver le mécanisme répondant au double objectif de l’efficacité et de l’encadrement (C).

 

A – L’inadaptation des procédures actuelles

 

Le droit des contrats et de la concurrence est resté longtemps, et dans une très large mesure, inappliqué. Faute de procédure efficace à la disposition des consommateurs et de leurs associations, une multitude de textes législatifs et réglementaires, permettant l’indemnisation des victimes en cas de pratiques abusives ou illicites des professionnels, n’étaient ni appliqués (pour des raisons de rentabilité chez le professionnel) ni sanctionnés (en raison de l’isolement du client et du montant du préjudice). C’est particulièrement vrai dans le domaine du droit de la concurrence, où malgré la multitude de condamnations pour pratiques anticoncurrentielles, la quasi-totalité des consommateurs victimes n’ont jamais vu leur préjudice réparé.

 

Les trois procédures à la disposition des associations de consommateurs étaient parfaitement inefficaces pour obtenir l’indemnisation d’un grand nombre de consommateurs victimes d’un litige de masse :

 

– la juxtaposition d’actions individuelles dans une même instance est synonyme de lourdeurs, de difficultés, voire d’impossibilité de gestion pour ceux qui ont la charge de ces dossiers, ainsi que pour le tribunal.

Par exemple, pour la première fois de son histoire, après un an de travail et de collecte de dossiers, l’UFC-Que Choisir avait déposé en 2006 au tribunal de commerce de Paris 12 530 demandes d’indemnisation, correspondant aux dossiers constitués sur le site cartelmobile.fr (qu’elle avait mis en place au lendemain de la décision de 2005 du Conseil de la concurrence). Pour rappel, le Conseil[1] avait condamné pour entente, à l’initiative de l’association, les opérateurs Orange, SFR et Bouygues Telecom. Cet accord de cartel avait porté préjudice à près de 20 millions d’abonnés. L’action entreprise par l’UFC-Que Choisir, avec des moyens considérables (500 000 euros de frais de gestion, 550 kg de papier et près de 2 000 heures de travail), en vue d’obtenir la réparation du préjudice subi par les victimes, avait finalement permis de rassembler « seulement » 0,06 % des victimes… Et pourtant, après de nombreux recours, la Cour de cassation a débouté l’ensemble des plaignants, au motif que la création d’un site Internet relevait d’un démarchage, illicite en matière d’action judiciaire ;

 

– l’action en représentation conjointe, prévue par l’article L. 422-1 du Code de la consommation, n’a rien d’une action de groupe. Il s’agit simplement d’une procédure par laquelle l’association, en lieu et place de l’avocat, se charge de collecter des mandats de consommateurs et de juxtaposer les dossiers individuels qu’elle déposera au tribunal. La gestion de ces dossiers individuels est impossible, dès lors que le nombre de consommateurs victimes est important. Cela explique que, depuis sa création en 1992, elle n’ait été utilisée que cinq fois, et jamais par l’UFC-Que Choisir ;

 

– enfin, les actions pour la défense de l’intérêt collectif des consommateurs ne bénéficient pas directement aux consommateurs victimes, quels que soient les résultats favorables obtenus des tribunaux. En effet, l’intérêt collectif n’étant pas la somme des intérêts individuels lésés, les dommages et intérêts récupérés sont très éloignés du bénéfice frauduleux retiré par l’entreprise. Ils se limitent même encore trop souvent au caractère symbolique, en dépit de la jurisprudence contraire de la Cour de cassation.

 

Par exemple, l’UFC-Que Choisir a engagé en 2001 une action contre un opérateur de téléphonie mobile, pour l’augmentation illicite de son forfait d’abonnement. Cette action a abouti à une décision favorable, qui n’a pas pu être directement utilisée par les autres abonnés. Le comportement du professionnel méritait pourtant une sanction exemplaire : il y avait 400 000 abonnés à ce forfait, le préjudice individuel pour chaque abonné était de l’ordre de 18 euros, alors que le bénéfice frauduleux retiré par le professionnel s’élevait à 7 320 000 euros[2]. L’UFC-Que Choisir a obtenu 1 524 euros d’indemnités au titre du préjudice à l’intérêt collectif, et les deux consommateurs engagés dans le procès, 100 euros...

De même, l’UFC-Que Choisir a saisi les tribunaux en 2003, pour la commercialisation de CD audio qui ne pouvaient être lus sur tous les matériels et notamment des autoradios, en raison de mesures techniques de protection, destinées à empêcher la copie. La cour d’appel de Versailles a considéré que ces produits étaient affectés d’un vice caché, et qu’il y avait donc une diminution de leur valeur d’usage[3]. Une réduction de 9 euros a été accordée au consommateur engagé dans la procédure. Un million de CD se trouvaient potentiellement affectés de ce défaut ; 9 millions d’euros auraient donc dû être restitués par l’entreprise. Seuls 10 000 euros nous ont été alloués, au titre de la réparation du préjudice à l’intérêt collectif.

 

L’inadaptation de ces procédures aboutissait ainsi à conférer de fait aux grandes entreprises un inadmissible intérêt économique à la violation de la loi, une forme de prime à la fraude. En effet, un simple calcul économique permettait de s’assurer que les sommes indûment perçues seraient toujours supérieures aux condamnations individuelles ou associatives prononcées en cas de contentieux. Seule l’action de groupe pouvait permettre de mettre un terme à la rentabilité économique de pratiques sérielles illégales.

Il existait d’ailleurs une très forte attente de la part des consommateurs français pour une telle action puisque, conformément au sondage Eurobaromètre de mars 2011 sur la protection des consommateurs, 79 % d’entre eux déclaraient qu’ils seraient plus enclins à défendre leurs droits si une action de groupe existait, et le score s’élevait à 86 % pour les Français.

 

B – Class action vs action de groupe

 

Dès l’annonce début 2005 par Jacques Chirac de sa volonté de mettre en place des recours collectifs, des représentants de grandes entreprises ont dénoncé l’inadmissible introduction de la class action en France. Pourtant, des différences majeures distinguent le système américain du système français, qui interdisent objectivement la transposition en France de la class action. En effet, outre le démarchage par les avocats, et le fait qu’ils soient intéressés aux class actions par un honoraire de résultat confortable, ce sont des jurys populaires qui connaissent des class actions, et non des magistrats professionnels comme en France. Surtout, le système américain des dommages et intérêts punitifs alourdit considérablement la sanction : il s’ajoute à l’indemnisation des nombreuses victimes, ce qui explique les montants faramineux des dommages et intérêts alloués. L’objectif de l’action de groupe est d’obtenir l’indemnisation des préjudices, de tous les préjudices, mais rien que des préjudices. Elle n’a pas pour objet la punition (amende), réservée à l’action pénale.

 

De même, le fait pour ces organismes d’agiter la class action comme un croque-mitaine masquait une réalité trop souvent ignorée, à savoir le fait que près de la moitié des États membres de l’Union européenne disposaient, parfois de longue date (Portugal), d’un système d’action de groupe. Si les procédures varient d’un État membre à l’autre, l’objet demeure identique : obtenir l’indemnisation, rien que l’indemnisation, mais toute l’indemnisation des victimes.

 

C – Des principes directeurs d’une action de groupe efficace et encadrée

 

Après s’être livrée à une analyse comparée des différents systèmes étrangers (Suède, Canada, Portugal), l’UFC-Que Choisir, soucieuse d’atteindre le double objectif assigné à l’action de groupe (réparation et dissuasion), a dégagé des principes généraux obéissant à une double logique : l’efficacité et l’encadrement.

 

En mutualisant les coûts judiciaires et d’expertise pour l’ensemble des dossiers similaires, l’action de groupe permet un accès simplifié des tribunaux à l’ensemble des victimes d’une même pratique et des frais moindres pour l’entreprise concernée. En effet, l’action collective évite la multiplication des procédures individuelles qui ne peuvent que multiplier les coûts (tant pour les consommateurs que pour les professionnels) et ralentir de fait chaque indemnisation, en multipliant les débats sur la responsabilité du professionnel, le montant du préjudice, etc. Elle permet aussi de soulager de milliers de recours une institution judiciaire aux moyens limités.

 

La durée de la procédure peut être encadrée par la fixation d’un délai maximal fixé aux victimes pour se déclarer, après le jugement qui se prononce sur la responsabilité du professionnel et les critères de rattachement au groupe.

 

Pour garantir la préservation de l’intérêt des parties et éviter tout publicité abusive ou diffamatoire, c’est au juge de définir les modalités de cette publicité, dans la forme (étant entendu que tout moyen approprié peut être envisagé : presse, radio, Internet, etc.) et le fond (message diffusé), aux frais du professionnel mis en cause, une fois l’action jugée recevable.

 

Sur le champ d’application, quels qu’aient été les récents scandales en matière sanitaire, comme celui du Mediator en France, qui ont à nouveau souligné l’absence de procédure collective pour obtenir en un seul procès l’indemnisation des victimes, l’UFC-Que Choisir demandait avant tout la mise en place d’une action de groupe pour les litiges de consommation et de concurrence. Si l’action de groupe a un intérêt dans les secteurs de l’environnement et de la santé, et plus largement dans tous les domaines du droit, il importait, pour couper court aux arguments des opposants de la réforme, de faire la preuve par l’exemple de son efficacité dans le droit de la consommation et de la concurrence, où les préjudices sont matériels, aisément calculables et parfaitement similaires, avant de la généraliser à d’autres domaines.

 

L’objectif est bel et bien que, par sa seule existence, le mécanisme de recours collectif ait une vertu dissuasive. En effet, l’action de groupe ne fait pas que réparer des préjudices, elle permet de garantir le respect effectif de la règle de droit, et donc son effet régulateur.

 

Cette approche mixte a été celle systématiquement retenue depuis les travaux de la commission des lois du Sénat sur le sujet et les propositions de loi de Richard Yung et Laurent Béteille consécutives à ceux-ci.

 

 

II – L’action de groupe « à la française » de la loi « consommation »

 

La loi « Hamon » a mis fin à des décennies de déni de justice. Si le dispositif peut réellement prétendre au qualificatif d’« action de groupe » en ce qu’elle bénéficie potentiellement à toutes les victimes (A), d’importants défauts peuvent compromettre son efficacité (B).

 

A – Une véritable action de groupe

 

1°/ Opt-in ou opt-out, l’autre voie de la loi « Hamon »

 

Avec cette loi, toutes les victimes peuvent potentiellement être indemnisées. En effet, l’association de consommateurs agit sur la base de quelques cas exemplaires, en vue d’obtenir un jugement de principe, qui bénéficie à l’ensemble des victimes, sans qu’elles aient à se signaler au préalable. En cela, l’action de groupe de la loi « Hamon » se rapproche des systèmes d’opt-out. Mais elle s’en distingue par la nécessité pour les victimes de se déclarer après le jugement de recevabilité et les mesures de publicité engagées. Si toutes les victimes considérées ne se manifestent pas, le reliquat d’indemnité non réclamé reste dans les caisses de l’entreprise, alors qu’à l’étranger (comme au Portugal), ce montant non distribué n’est pas acquis à l’entreprise, mais abonde un fonds spécifique. Ainsi, le dispositif retenu en France constitue un modèle original, entre opt-in et opt-out.

 

2°/ La médiation : une alternative, pas un préalable

 

La médiation a été une incantation du patronat français, comme solution de substitution à cette réforme redoutée, lors des Assises de la consommation (oct. 2009) et dans les discussions autour de l’action de groupe. Fort heureusement, l’exigence d’une médiation comme préalable obligatoire à toute action de groupe a été écartée du dispositif dans la loi « Hamon ». La médiation reste ainsi une simple faculté, à laquelle les parties sont libres de recourir ou non, puis d’en accepter ou non l’issue. Ce schéma est parfaitement conforme aux principes de mise en œuvre de la médiation, tels que préconisés dans le cadre européen[4].

 

Comme leur nom l’indique, les modes alternatifs de règlement des litiges n’ont de sens que si une alternative existe. En rendant la médiation obligatoire, le dispositif aurait dévoyé les principes de la médiation. En outre, les professionnels n’auraient pas été incités à respecter les droits des consommateurs. L’UFC-Que Choisir en a fait l’expérience avec l’affaire dite « du volcan » (un nuage de cendres avait paralysé le ciel européen en avril 2010, bloqué plusieurs centaines de milliers de passagers sur le lieu de leurs vacances, ou les avait empêchés de partir). L’association avait conclu, le 4 mai 2010, à leur demande, un accord avec les professionnels français du tourisme, pour régler les situations les plus courantes, dans les cas « après départ ». Or, les résultats issus de cet accord ont été très peu satisfaisants : sur les 287 dossiers examinés par le comité, majoritairement composé des professionnels du tourisme, seules 23 réclamations ont donné lieu à la recommandation d’un geste commercial ! Pour 160 dossiers, le comité a estimé qu’il n’était pas possible de trancher et pour 103, l’assistance par le professionnel a été considérée comme exclusive de tout remboursement… Pire, dans des situations où un geste commercial était recommandé par le comité, la décision n’a pas été suivie d’effet par l’agence de voyages concernée ! Ce résultat est d’autant plus regrettable que des décisions des juridictions de proximité, plus favorables aux consommateurs (notamment lorsqu’ils avaient trouvé par eux-mêmes des solutions de retour), ont été approuvées par la Cour de cassation, fixant ainsi une jurisprudence contraire à l’interprétation restrictive des professionnels du tourisme[5]. Bref, alors que l’UFC-Que Choisir avait donné sa chance à la médiation, les résultats de cette dernière soulignent que les professionnels privilégient la médiation pour indemniser au moindre coût, sans tenir compte des droits exigibles.

 

Compte tenu du nécessaire pragmatisme qui doit animer les modes alternatifs de règlement des litiges, la médiation n’a de sens que si elle est facultative, et appropriée aux difficultés du cas particulier. Les grands groupes ont mis en place des dispositifs au nom de « médiateur », qui ne respectent pas les standards internationaux reçus en matière de médiation : le « médiateur interne » des entreprises est le plus souvent un « service client », complètement soumis aux intérêts de l’entreprise. Aussi, il importait d’encadrer le recours à la médiation dans l’action de groupe, pour garantir le respect des intérêts de toutes les parties. Le juge peut inviter les parties à se soumettre à une médiation. Alors, à compter de l’engagement de l’action de groupe, seule l’association requérante (ou celle désignée chef de file) peut participer à une médiation au nom du groupe, ce qui évite ainsi de possibles conflits d’intérêts. Par ailleurs, la médiation ne doit pas être un moyen de financement déguisé pour l’association. L’accord éventuellement conclu à l’issue de la médiation sera soumis à homologation par le juge, afin qu’il s’assure qu’il ne porte pas atteinte aux droits des consommateurs intéressés, et qu’il lui confère force exécutoire.

 

B – Des défauts préoccupants

 

1°/ La conservation des preuves et les délais

 

D'abord, la combinaison de l’exigence de preuves domestiques (pour les consommateurs) avec la durée de la procédure : l’information des victimes sur leur possible indemnisation ne pourra s’opérer qu’après l’épuisement de tous les recours à l’encontre du jugement de responsabilité, ce qui peut être extrêmement long. Tout en ménageant naturellement les droits de la défense, il était possible de privilégier une maîtrise procédurale, avec des audiences à jour fixe. Cette formule, compatible avec la loi, n’a malheureusement pas été retenue par le décret d’application (D. n° 2014-1081, 24 sept. 2014, JO 26 sept.), en dépit des demandes de l’UFC-Que Choisir.

 

Ainsi, même si le juge peut ordonner toute mesure propre à la conservation des preuves (ce qui est un progrès par rapport au projet de loi initial), cette condition se trouvera souvent impraticable. On a vu par exemple, dans l’affaire d’entente entre les lessiviers, que les millions de consommateurs victimes n’avaient pas gardé leurs tickets de caisse…

 

2°/ Le risque financier

 

Ensuite, les difficultés de mise en œuvre : le juge peut soit condamner le professionnel à indemniser directement le consommateur, soit en charger l’association de consommateurs. C’est alors une mission complexe : recenser les victimes, vérifier qu’elles ont les pièces justificatives, éventuellement calculer le préjudice individuel, et ensuite les indemniser. Ces opérations requièrent des moyens d’organisation, de logistique, de management, qui ne seront pas à la portée de toute association. L’UFC-Que Choisir militait pour que la liquidation des préjudices soit confiée à un spécialiste, tel qu’un mandataire judiciaire. D’un point de vue pratique, c’est un vrai fardeau pour les associations de consommateurs : cela pourrait en dissuader plus d’une, et bien peu en France auront les ressources de tous ordres, nécessaires à l’engagement d’une telle procédure.

 

3°/ L'aléa judiciaire

 

Enfin, si les conditions de la procédure sont connues, il reste une inconnue : la pratique des magistrats. Selon la pratique judiciaire, l’action de groupe sera plus ou moins efficace. C’est le juge qui décide des modalités d’information des consommateurs. Si un juge entend limiter au maximum les canaux d’information du public, il y a peu de chances que les clients concernés réclament indemnité. De même, le juge déterminera le délai maximal pour que les consommateurs se signalent afin d’être indemnisés (délai compris entre deux et six mois). S’il fixe un délai de deux mois, le nombre de consommateurs indemnisés sera plus faible. Enfin, le choix retenu par le législateur de confier ce contentieux à tous les tribunaux sur le territoire, plutôt que de le réserver à des juridictions spécialisées, accroît considérablement ces incertitudes.

 

Conclusion

L’efficacité de l’action de groupe pourrait résulter surtout de son effet dissuasif. Il est vraisemblable (en tout cas souhaitable) qu’une régulation des pratiques s’instaure, au moins dans les très grandes entreprises, dès lors que des procédures auront été engagées, et menées à leur terme, pour servir d’exemple. Les conséquences en frais de procédure, en coût d’indemnisation et en altération d’image devraient pouvoir contrecarrer certaines stratégies condamnables.

 

En mettant fin à la prime à la violation de la loi, l’action de groupe a un effet dissuasif, limitant les violations massives des droits des consommateurs. Ses effets sont de nature à restaurer leur confiance dans l’économie, et par là même dans la consommation. Cette idée selon laquelle l’action de groupe est un facteur de confiance dans l’économie, et aurait un impact globalement positif sur la croissance, a été mise en lumière en France par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, plusieurs rapports parlementaires, mais également par une note de la direction du Trésor en janvier 2006, ou par le rapport « Attali » sur la libération de la croissance.

 

Pour souligner encore davantage ce point, il suffit de mentionner l’absence de faillite d’entreprise à la suite d’une action de groupe dans les États membres où ce système existe. Pour la France, un premier bilan, conformément à la loi, est attendu dans trois ans. Mais, à cette fin, encore fallait-il que l’action de groupe soit incarnée, et c’est ce qu’a fait l’UFC-Que Choisir en engageant la première action de groupe, le jour même de l’entrée en vigueur du décret d’application, le 1er octobre 2014. Reste donc à connaître la manière dont les juges français appréhenderont cette révolution juridique. Et cette partition, elle, reste à écrire…

 

Paru in Dr. & Patr. 2015, n° 243, p. 48 (janv. 2015)

 

[1] Cons. conc., déc. n° 05-D-65, 30 nov. 2005, relative à des pratiques constatées dans le secteur de la téléphonie mobile.

[2] CA Versailles, 16 mai 2002, RG n° : 01-07363, arrêt n° 335, UFC-Que Choisir c/ SFR.

[3] CA Versailles, 15 avr. 2005, RG n° : 03/07172, Mme Marc et UFC-Que Choisir c/ Société EMI France.

[4] Dir. n° 2013/11/UE, 21 mai 2013, relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation, JOUE 18 juin, n° L 165.

[5] Cass. 1re civ., 8 mars 2012, n° 10-25.913.

 

Paru in Dr. & Patr. 2015, n° 243 (janv. 2015), p. 48, Dossier Action de groupe

 Par Hervé Le Borgne, Vice-président de l’UFC-Que Choisir
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